Saturday, December 7, 2013

Miss France 2014 : 33 barbies défilent en maillot de bain, une ...

Je réagis | lu



Temps de lecture : 4 minutes



33 candidates s'affrontent ce samedi 7 décembre pour le concours Miss France 2014. (PLV/SIPA PRESS)


L'événement 'Miss France' est bien un des sujets les plus embarrassants qui soient pour une plume comme la mienne. En général, on m'interroge sur le sujet parce qu'ayant écrit sur le féminisme, je dis avoir des choses à dire sur le sujet.


Le problème, c'est qu'il est extrêmement difficile de trouver un angle original et néanmoins pertinent sur ce sujet dont s'attend à ce qu'une plume comme la mienne dise : 'c'est une opération dégradante pour l'image de la femme autonome et moderne de la France de 2013'.


Rappelons les arguments des positions en présence.


Barbies formatées et gros beaufs


La critique de la grand-messe télévisuelle Miss France, et celle des concours de beauté en général, met en avant l'image servile et consumériste de la femme.


On les fait défiler devant le public en les mettant en scène dans autant de tableaux scénarisés pour les montrer sous toutes les coutures. Dans l'esprit, 'tâte la marchandise avant d'acheter', quand bien même ne serait-ce serait qu'avec les yeux. Miss Machin en maillot de bain, Miss truc en tenue de bal, tourne à droite, tourne à gauche, penche la tête, sourit, remue la main en l'air et va t-en, la suivante arrive.


Comment nier, également, que cet étrange étalage de barbies formatées ne permet pas à des millions de gros beaufs lubriques de se faire rêver un peu la pine le temps d'une explosion télévisuelle, et ce malgré les cris d'orfraies des organisateurs à chaque fois qu'ils découvrent une de leurs candidates à poil sur un calendrier amateur.


Rêve éphémère de passer du stade d'anonyme, à celui de Clara Morgane, et peut-être Grace Kelly. Hypocrisie suprême puisque ces tristes contes de fées modernes tellement humiliants pour les femmes, ce sont eux qui les entretiennent... Tant qu'il y aura un seul beauf sur terre pour relayer la photo de groupe en maillot de bain aux Bahamas...


Bref, Miss France, c'est pas féministe.


Miss France, plus féministe que le féminisme lui-même


À cela, les pro-concours de beauté ont un propos dont le principe fonctionne sur le principe de tous les argumentaires réactionnaires. Ils prétendent que Miss France est plus féministe que le féminisme lui-même.


Retournement rhétorique qu'il faut bien être un obsédé mercantile de son audimat pour manier avec une telle nonchalance. Je veux dire, pour le manier sans décence envers le bon goût de ne pas être ridicule.


Selon eux (où leur objectif financier), le concours de Miss France a pour vertu d'enseigner aux jeunes femmes la beauté comme arme de charme et d'autonomie sociale et financière. Sans oublier que dans le concours, la beauté est aussi intérieure, puisqu'elles ont toutes quelques minutes pour expliquer qu'elles veulent aider les orphelins...


Bref, Miss France est un féminisme subtil.


La féminité s'apprend, pas besoin de l'étaler à la télé


Évidemment, s'il fallait nécessairement se prononcer, je dirais plutôt que Miss France est une insulte au féminisme et une ode à l'inculture. La féminité féministe n'a pas besoin d'être étalée à la télé et de faire l'objet d'un vote éliminatoire pour s'inscrire dans un schéma d'émancipation de la femme.


La féminité s'apprend dans l'intimité d'une chambre d'adolescente avec sa mère, elle s'apprend dans notre rapport paradoxal aux magazines féminin, entre moments de découvertes sur l'usage d'un produit de beauté, le soin du soi... et l'énervement face à un article-diktat pour tel nouveau régime.


La féminité féministe s'apprend lorsque, partie chercher un nouveau slim en 38, la vendeuse nous fait essayer le 36 en nous montrant que oui, des hanches, ça peut s'assumer et que non, nous sommes plus minces que nous ne le croyons.


Elle s'apprend avec les copines, lorsqu'on regarde les nôtres danser et qu'on est subjuguée par leur grâce, tellement fortes, tellement désirables. Elle s'apprend avec notre meilleure amie, lorsqu'on va boire des verres en terrasse de l'un de ces petits passages parisiens, à parler des hommes et de leurs attitudes puériles, comprenant que nous sommes éternellement leurs maîtresses, et leurs mères (rires, parfums poudrés secoués dans l'air, 'prends une cigarette ma jolie !').


Elle s'apprend aussi lorsque ces hommes qu'on essaye tant d'aimer, malgré leur mauvaise foi et leur maladresse, leur possessivité qui cache son nom, leur tyrannie identitaire, soit nous accueillent parce que nous sommes aussi maîtresses de la douceur, et la responsabilité nous incombe d'en prendre soin... soit nous rejettent, nous obligeant à partir avec la dignité de celles qui maîtrisent leur féminité non comme une arme de guerre, mais comme un emblème de fierté.


Un peu cette femme que dessine semaine après semaine Nicolas Bedos dans ses chroniques pour 'Elle', moi qui était tellement circonspecte à l'annonce de son arrivée dans l'équipe du magazine que je déteste tant aimer.


Musique d'ascenseur et robes à paillettes, un concours has-been


Bref, la féminité féministe, elle s'apprend dans le repli de l'intime. Pas le spectacle télévisuel et mercantile. Ce qui me fait dire qu'au final, Miss France est juste ringard.


Robes pailletés de mauvais goût, musiques d'ascenseur, personnalité has been qui jouent les invités d'honneur... Il n'y a plus qu'à espérer que la coexistence de Miss France, de Clara Morgane et des névrosées exhibitionnistes qui mettent leur cul sur Instagram ne produira pas une trop violente hystérie identitaire pour ces hommes qui voudraient savoir aimer les femmes.


Elle est si sournoise, pour une femme, en 2013, l'injonction identitaire...


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